Sweet Dreams

Chapitre 12

A peine revenues dans Whitechapel Road, Judy attrapa Fredericke par le bras et demanda sèchement :

-   Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

-   Ca ne vous regarde pas.

-   Vous nous demandez notre aide, et vous ne voulez même pas nous dire pourquoi ?

-   C’est ça.

-   Et moi j’insiste pour que vous nous disiez ce qui se passe exactement !

-   C’est non. Ce ne sont pas vos affaires.

Elle voulut continuer de marcher, mais Judy ne bougea pas, et elle ne la lâcha pas. Alors, Fredericke se retourna vers elle et demanda :

-   Avez-vous vraiment conscience de ce dans quoi vous mettez les pieds ?

-   Si on ne nous explique rien, ça risque d’être difficile, en effet.

-   Réfléchissez à ce que vous savez. Essayez d’assembler les pièces. Et demandez-vous si vous voulez vraiment continuer. Ca risque d’être encore pire que ce que vous avez vu.

Judy entraîna Bélis à l’écart, et les deux se mirent à discuter à voix basse. L’Allemande se contenta d’attendre, bras croisés. Au bout de quelques minutes, la détective revint et annonça :

-   Nous voulons continuer.

-   Bien. Après tout, vous êtes plus utiles que le Yard.

-   Très flattées, vraiment.

-   Ramenons votre ami, nous verrons ensuite.

Sky ne protesta pas ; voir son fournisseur de drogue découpé par une dingue à l’épée, ça lui suffisait pour une soirée. Pas besoin en plus d’écouter des conversations sur une drogue qui tuait des gens. Il était fatigué, et avec un peu de chance, Samuel ne lui demanderait pas d’aller travailler ce soir. Traîner avec Judy et Bélis était parfois amusant, mais c’était souvent dangereux et très, très agité…

Arrivés à leur but, Sky remonta directement dans sa chambre, tandis que Fredericke insistait pour aller parler  avec Samuel. Judy et Bélis restèrent plantées dans le couloir, tentant d’ignorer le regard noir que leur jetait le portier. Heureusement, l’Allemande revint assez vite, et elles quittèrent les lieux sans aucune casse. Elles revinrent sur Fleet Street sans encombre, mais qui aurait osé s’en prendre à trois femmes dont une portait une épée ? Arrivées devant la maison, Fredericke leur mentionna simplement qu’elle passerait les chercher quand elle irait discuter avec Bélial, pour qu’elles aient toutes les informations en main, et elle disparut sans rien ajouter. Bélis et Judy se dépêchèrent de monter chez elles avant que le constable chargé de leur surveillance, qui était toujours au pied de son réverbère, ne revienne à lui.

 

Le lendemain, en milieu d’après-midi, alors que les deux détectives venaient de se faire suivre par un nouveau constable chargé de leur surveillance (le pauvre les avait suivies tandis qu’elles faisaient leurs courses, avait cru mourir d’ennui quand elles s’étaient rendues à l’église, et n’avait même pas osé entrer dans une boutique de lingerie, ce qu’elles avaient fait totalement à dessein), Fredericke vint les chercher comme promis. Aussitôt, l’agent entreprit de les suivre, mais elles ne firent pas attention à lui.

L’Allemande les conduisit jusqu’à un salon de thé, presque au bout de l’avenue. L’enseigne était peinte d’une belle jeune fille assise sur un rocher, au bord de l’eau, et proclamait qu’il s’agissait du salon de thé La Lorelei.  Conduites par Fredericke, elles entrèrent, et la jeune femme au comptoir les conduisit directement à une table. Bélial les y attendait. Cette fois-ci, il portait un costume avec un gilet noirs, et une large écharpe de soie blanche. Quand elles arrivèrent, il se leva galamment pour les accueillir et attendit qu’elles s’asseyent avant de les imiter. La jeune femme revint, prit leurs commandes, et disparut. Dès qu’elle eut tourné les talons, Fredericke demanda :

-   Vous êtes certain que c’est un endroit sûr ?

-   Pas de panique, répondit Bélial en souriant. Je connais Artemis, la propriétaire – d’ailleurs vous l’avez vue, elle est très sympathique. Et c’est… plus ou moins une sympathisante.

-   Une sympathisante de quoi ? demanda Judy.

-   De notre côté. Vous posez beaucoup de questions.

-   Et vous ne donnez pas beaucoup de réponses, ni l’un, ni l’autre.

-   En effet, jeune fille. Le secret, le plaisir du mystère, vous voyez.

-   Vous nous avez fait venir juste pour nous raconter des fadaises du genre, ou vous avez l’intention de nous révéler quelque chose d’intéressant ? demanda Bélis, qui commençait tout doucement à en avoir assez des manœuvres des deux conspirateurs. Bélial se contenta de rire, et répondit :

-   Comme on dit, vous risquez de ne pas vraiment aimer ce que vous découvrirez. Vous êtes sûres de vouloir en savoir plus ? L’ignorance peut être une bénédiction.

-   Oui, oui, et bienheureux les simples d’esprits, le royaume des cieux leur est ouvert, on connaît. Alors ?

La remarque de Bélis eut un effet étrange sur les deux autres. Fredericke leur jeta un regard à mi-chemin entre l’incrédulité et quelque chose qui n’était pas tout à fait du dégoût, alors que Bélial éclatait de rire, assez fort pour qu’un certain nombre de clients se retournent vers eux. La jeune femme, qui arrivait avec leurs thés, lui jeta un rapide coup d’œil, puis, voyant qu’il ne riait pas à propos d’elle, posa les tasses sur la table et retourna s’occuper de ses autres clients. Dès qu’il n’y eut plus personne à portée de voix, Bélis demanda, un brin vexée :

-   Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ?

-   Oh, ça fait partie du secret, expliqua Bélial. Vous trouveriez ça drôle, si vous saviez. Ou alors vous réagiriez comme Freddie, et vous trouveriez ça stupide.

-   Ne m’appelez pas Freddie, grogna celle-ci.

-   Je vous appellerai comme je veux. Si vous préférez Mrs Stocker n°2, ça peut s’arranger.

Fredericke grinça des dents, mais elle ne dit rien de plus. Bélial se tourna alors vers Judy et Bélis, et demanda :

-   Alors, qu’est-ce que vous voulez savoir ?

-   Tout, fut la réponse de Judy.

-   Toute cette histoire de drogue, et aussi ce que Fredericke voulait dire en disant qu’elle ne s’attendait pas à voir quelqu’un comme vous avec des voyous pareils, ajouta Bélis.

-   Eh bien, cela risque de nous prendre du temps.

-   Nous n’avons rien de prévu.

Bélial se pencha légèrement en avant, la mine soudain sérieuse. Fredericke fit de même, s’accoudant sur la table. Et ce fut l’Allemande qui commença :

-   Vous savez qu’il y a des gens qui en tuent d’autres et qui les abandonnent en ville. Vous savez aussi qu’ils sont morts de douleur. Et vous savez qu’ils sont vidés de leur sang. Et je vous ai dit que la drogue, le Sweet Dreams, était fait avec du sang. Qu’en déduisez-vous ?

-   Eh bien… tenta Judy, On pourrait dire que le sang de ceux qui ont été tués est utilisé pour fabriquer cette horreur.

-   Pas mal… Mais la vérité est encore pire.

-   Nous vous écoutons.

-   Le Sweet Dreams est fabriqué à partir du sang de ceux qui en consomment.

Bélis s’étrangla avec son thé, et Judy se contenta de regarder l’Allemande avec des yeux aussi grands que la soucoupe sous sa tasse. Bélial fit signe à Artemis, et lui murmura quelques mots. Celle-ci fila aussitôt, et revint presque immédiatement avec une bouteille et quatre verres, qu’elle remplit. Bélial en mit deux dans la main de Bélis et de Judy et les regarda les vider d’un coup. Une ou deux quintes de toux plus tard – Artemis stockait vraiment le pire des tord-boyaux sous son comptoir – un peu de couleurs revinrent sur leurs joues. Fredericke regardait tout ça avec un peu d’ennui, et elle finit par demander :

-   Pouvons-nous continuer ?

-   Je… je crois que ça va aller, répondit Judy, les larmes aux yeux.

-   J’ai une question, intervint Bélis. Vous dites que ceux qui en consomment finissent morts et vidés de leur sang. Ca nous dit toujours pas comment il les tue et il les vide.

-   C’est la drogue qui les tue.

-   La drogue ? Comment c’est possible ?

Bélis s’était visiblement remise, et était à présent très curieuse de ce que Fredericke pouvait bien avoir encore à révéler.

-   Le Sweet Dreams est une drogue puissante. Très vite, elle rend le consommateur dépendant. Elle efface tout ce qui est négatif. Surtout la douleur.

-   C’est pour ça qu’on peut les tuer, c’est ça ?

-   Pas du tout. C’est la drogue elle-même qui les tue.

Devant un double regard perplexe, elle s’expliqua :

-   La drogue supprime la douleur. Mais les ingrédients, et la magie utilisée pour la fabriquer, s’attaquent aux nerfs, et les détruisent.

-   C’est ce qu’Akhilesh nous avait dit ! interrompit Bélis. Il avait dit que les nerfs étaient très endommagés dans le dos, et qu’ils avaient dû horriblement souffrir.

-   Il a raison, continua Fredericke, avec un regard signifiant clairement qu’elle n’aimait pas vraiment être interrompue. La drogue détruit les nerfs. La douleur est atroce, et pour la calmer, les consommateurs prennent de plus en plus de drogue. Qui détruit de plus en plus les nerfs. C’est un cercle vicieux. Qui finit par les tuer dans d’atroces souffrances. Alors, celui qui fabrique le Sweet Dreams les vide de leur sang, et l’utilise pour fabriquer davantage de drogue. Un cercle extrêmement vicieux.

Judy avait l’air prête à tourner de l’œil d’une seconde à l’autre. Bélial la regardait, l’air pas vraiment concernée. Bélis, elle, réfléchit à toute allure. Elle se tourna vers Fredericke, l’air presque effrayée, et demanda :

-   Dites… vous nous avez demandé de vous conduire à Samuel pour qu’il vous indique où se trouvaient ceux que vous cherchiez… Et il a demandé à Sky de vous guider… Ca veut dire que Sky se fournit chez eux… ? Qu’il prend cette horreur ?

-   Oui.

Ni plus, ni moins. Judy sursauta, et seule la main de Bélial s’abattant sur son bras l’empêcha de se lever pour aller immédiatement expliquer sa manière de penser au gamin. Elle resta assise, se contentant de jeter des regards noirs à sa pauvre tasse qui ne lui avait rien fait. Bélis, qui avait davantage gardé son calme (mais promit intérieurement mille morts à Sky), se tourna vers Bélial et demanda :

-   Alors, ce grand secret, c’était ça ? Ou ça a à voir avec vous ?

-   Ca a à voir avec moi, en effet.

-   C’est aussi à propos de la drogue ? Ou de votre « qu’est-ce qu’une personne comme vous fait dans un endroit pareil ? »

-   La deuxième solution. Mais pour ça, il va falloir que je vous fasse rencontrer quelqu’un. Sinon, vous ne me croirez jamais, et je passerai pour une horrible menteuse.

-   On vous suit.

Bélial paya les consommations, et ils sortirent tous les quatre. Là, il les fit monter dans un fiacre qui comme par hasard se trouvait là, et jeta une adresse incompréhensible au cocher. Quand Judy lui demanda où ils allaient, il se contenta de sourire.

Ils se retrouvèrent dans une ruelle assez sombre et pas vraiment accueillante – une de plus. Il y avait des caisses cassées, des graffitis sur les murs, et divers entassements dont il valait mieux ne pas savoir de quoi il s’agissait. A leur arrivée, quelqu’un sortit de l’ombre, et s’avança vers eux. Judy pensait avoir touché le fond en matière de personnage bizarre, mais celui-ci mettait la barre encore plus haut. Un homme. Un homme habillé de haillons mille fois reprisés, et qui avaient dû être à peine convenables quand ils étaient encore neufs. Une écharpe tricotée qui faisait au moins trois fois le tour de son cou et ses épaules. Des yeux cachés par des lunettes aux verres bleus teintés. Et surtout, une coupe de cheveux très particulière qui donnait une sorte d’impression… d’oreilles de hibou ou de chat. Un énergumène qui surgit d’un coin presque sous leur nez, en fait, faisant sursauter les trois femmes. Bélial le salua, et, se tournant vers ses compagnes :

-   Je vous présente Bhaal. Il est comme moi. Bhaal, voici Fredericke, Judy et Bélis.

-   Et qu’est-ce que tu fais ici avec elles ?

-   Il faut qu’on parle. Fredericke sait décidément beaucoup de choses sur nous, et toutes les trois enquêtent sur cette histoire de Sweet Dreams. Elles peuvent nous aider. Ce serait mieux de les mettre au courant, non ?

-   Ce n’est pas à toi de décider toute seule. Enfin bon… suivez-moi.

Il les conduisit hors de la ruelle, et dans une maison qui avait l’air bien trop cossue pour que quelqu’un habillé comme lui y vive. Néanmoins, il ouvrit la porte sans hésiter, les fit entrer, et verrouilla derrière elles, soigneusement. Il les conduisit ensuite dans un salon où il leur ordonna de s’asseoir, et disparut dans ce qui devait probablement être la cuisine. Bélis, plus curieuse que les deux autres qui se contentèrent d’attendre, examina la pièce en détail. Difficile de dire qui habitait là. C’était un salon assez confortable et conventionnel, avec une cheminée, des fauteuils assortis, une petite table, une bibliothèque, des plantes vertes. Cependant, certains détails étaient assez étranges. Comme la corbeille contenant des pelotes de laine et des aiguilles à tricoter, soigneusement rangées. Ou des marques de brûlures sur certains coussins. Ou encore une grande pile de dossiers remisée en haut de la bibliothèque. Bélis aurait bien aimé y jeter un coup d’œil, mais Bhaal revint avec un plateau supportant une théière et des tasses. Par politesse, et parce qu’il n’avait pas l’air commode, elles s’abstinrent de lui dire qu’elles sortaient d’un salon de thé, et le regardèrent faire le service. Il s’installa ensuite confortablement dans un fauteuil, et se tourna vers Bélial. Celui-ci prit une grande inspiration comme pour se donner du courage, et commença :

-   De quelle confession êtes-vous ?

Judy était anglicane, et Bélis catholique, et elles le lui dirent. Fredericke haussa juste les épaules.

-   Bien. Je vous prierai de ne pas m’interrompre. Madame sait déjà qui nous sommes, je le sais, mais les petites demoiselles risquent de me prendre pour un idiot…

La dame fit la moue, les petites demoiselles lancèrent un regard noir.

-   Bhaal et moi-même sommes de la même espèce. En fait, nous sommes des démons. Des démons au sens religieux du terme, bien sûr. Les anges déchus qui se sont fait balancer du paradis… Enfin, certains d’entre nous.

Les yeux braqués sur lui étaient surpris, mais personne ne dit quoi que ce soit.

-   Enfin bref… Nous travaillons pour le Chaos. Notre rôle, normalement, est de semer le désordre, d’insuffler des idées mauvaises dans l’esprit des gens, de les pousser à faire le mal, pour disons gagner des points pour notre côté. Mais l’ennui, avec les gens, c’est qu’on leur donne une mauvaise idée, ils la prennent, et ils courent avec. Ils ont tellement fait le mal, que l’équilibre entre le bien et le mal s’est retrouvé rompu. Et c’est là qu’on s’est un peu rendus compte que si jamais Chaos gagnait, eh bien… Tout disparaîtrait. Ce qui, en fait, n’arrange personne, si on y pense. Du coup, nous sommes maintenant obligés de travailler pour rétablir l’équilibre. Se tenir au courant de ce qui se passe, contrôler ce que font les gens, se débarrasser de ceux qui sont trop maléfiques. Un job peu démoniaque, mais on n’a pas vraiment le choix.

Les regards allaient de Bhaal à Bélial, tentant d’absorber l’information. Bhaal se contenta de sourire, dévoilant des dents pointues assez effrayantes. Bélis crut voir quelque chose bouger derrière lui, mais déjà Judy demandait à Bélial :

-   Mais… S’il y a des démons, alors il y a aussi des anges ?

-   Bien sûr, qu’il y a des anges. Et des vampires, et des nymphes, et plein de choses amusantes ! Tiens, tu as déjà demandé à ta charmante nouvelle amie ce qu’elle était, en vrai ?

Judy se tourna vers Fredericke, qui buvait son thé. Celle-ci répondit simplement :

-   Je suis une vampire.

Elle s’apprêtait à dire quelque chose, mais Bélis lui donna un coup de coude, et lui montra quelque chose. Derrière Bhaal, sur le dossier de son fauteuil, son ombre… son ombre bougeait malgré lui. Elle rampa, glissa jusqu’au mur, et s’y afficha. Une drôle d’ombre, avec les mêmes espèces d’oreilles que celui qui était donc un démon, et un immense sourire rempli de dents pointues. Elle émit un son musical et agita la « main » en direction des visiteurs. Réaction immédiate : Bélis la regarda avec de grands yeux brillants et admiratifs, tandis que Judy… tournait tout simplement de l’œil. Bhaal ne broncha pas. Bélial se chargea d’aller chercher un remontant, tandis que Fredericke remarquait, d’un ton passablement indifférent :

-   Elle n’a pas le cœur bien accroché, votre petite amie.

-   Il faut dire que rencontrer des démons, une vampire, et une drogue qui tue des gens pour être fabriquée avec eux, tout ça en un après-midi, ça fait un peu beaucoup, répondit Bélis en contemplant l’ombre qui reniflait maintenant le panier de pelotes.

-   Et vous, ça ne vous perturbe pas plus que ça ?

-   Je suis une semi-nymphe, madame. Dans la vie, on voit des trucs bien plus bizarres.

-   Plus étrange que des démons ?

-   Peut-être bien.

Bélial revint avec une bouteille de vin qu’elle avait déniché dans la cuisine. Quelques petites gifles suffirent à faire revenir Judy à elle, et elle lui servit un grand verre d’alcool qu’elle la força à boire cul-sec. La détective avait l’air un peu moins sous le choc, mais elle fixait toujours l’ombre de Bhaal avec des yeux larges comme des soucoupes. Bélial daigna expliquer :

-   Il s’agit également d’un démon, un démon mineur, celui-ci. Les Ombres ne peuvent vivre que si elles se fondent dans l’ombre d’un démon majeur. Bhaal peut contrôler la sienne, ou la laisser agir à sa guise. Elle est plutôt gentille, sauf si on est une assiette. Elle adore les assiettes.

Judy hochait la tête mécaniquement, le verre toujours en main. L’Ombre souriait de toutes ses dents à Bélis qui s’était approchée pour mieux voir. Fredericke, elle, regardait tout ça, de plus en plus éberluée. Ou navrée, on ne savait pas trop. Bhaal se contenta de rappeler qu’ils parlaient des anges, avant que l’Ombre ne décide de faire son intéressante. Judy se tourna vers Bélial, et demanda :

-   Alors… ces anges ? Ils existent aussi ?

-   Bien sûr, qu’ils existent. Pour qu’il y ait équilibre, il faut bien qu’il y ait deux opposés. Les démons, et les anges. On travaille avec eux pour rétablir l’équilibre. C’est plutôt sympa, sauf qu’on ne peut pas se fier à eux. Mais franchement, j’aurais cru que vous le sauriez.

-   Comment auriez-vous voulu que je le sache ?

-   En demandant à votre ami Sky.

A nouveau le regard de chouette étonnée de Judy. Et celui de Bélis pour faire bonne mesure. Bélial demanda :

-   Aurais-je fait une gaffe ? Vous ne saviez pas ?

-   Savoir quoi ?

-   J’ai révélé assez de secrets pour aujourd’hui, je crois. Il vaudrait mieux lui demander vous-mêmes. Peut-être qu’il vous en parlera. Surtout que vous avez deux mots à lui dire, je crois…

Après ça, Bélial refusa de dire quoi que ce soit de plus, et se concentra sur son thé. Judy en fut donc réduite à demander à Fredericke comment elle était au courant du Sweet Dreams, ce qu’elle refusa de dire, et regarder Bélis jouer avec l’Ombre de Bhaal. Celui-ci, d’ailleurs, ne tarda pas à les mettre dehors sans grande délicatesse, arguant qu’on lui prêtait seulement le domicile, et que le vrai propriétaire n’allait pas tarder à rentrer. Ils se retrouvèrent donc tous les quatre dans la rue avant d’avoir compris ce qui se passait. Fredericke repartit de son côté. Bélial proposa à Judy et Bélis de les raccompagner, puisque son fiacre allait dans la même direction de toute façon. Mais Judy demanda plutôt à ce qu’il les dépose dans Whitechapel. Une certaine personne allait avoir quelques comptes à rendre…