Sweet Dreams

Chapitre 14

Judy et Bélis se retrouvèrent donc le lendemain matin à chercher Ravel dans le marché aux fleurs de Covent Garden. Le voleur n’était pas chez lui, et elles n’arrivaient pas à mettre la main dessus. Mauvaise nouvelle. Dans quoi est-ce qu’il s’était encore fourré ? Quelle galère ? Des éclats de voix les attirèrent dans un recoin, tout au bout du marché. Deux grandes silhouettes musclées, qui en entouraient une beaucoup plus petite et mince. Pour quelqu’un qui connaissait la faune de Londres, il n’était pas difficile de reconnaître deux des plus horribles hommes de main du coin. Celui de gauche, un immense individu hirsute en kilt, Scott Bowen dit l’Ecossais Fou. Celui de droite, la silhouette sèche, maigre, d’un ancien médecin à qui il manquait un doigt, arborant des cicatrices en travers des joues. Le Surineur. Les deux n’avaient pas pris conscience des deux jeunes filles qui les regardaient, et ils menaçaient Ravel, qui avait l’air mort de peur. Elles ne perdirent pas de temps à discuter : Judy tira un petit pistolet de son sac, tandis que Bélis prenait son couteau, une arme suffisamment longue pour passer pour une baïonnette. Elles s’avancèrent vers les deux voyous, et s’interposèrent alors qu’ils venaient de pousser Ravel dans une pile de caisses en bois. Le premier réflexe de l’Ecossais fou fut de rire, mais le Surineur resta sérieux (en fait, il ne souriait jamais). Deux petites demoiselles, ils n’allaient en faire qu’une bouchée ! Le Surineur s’avança en premier, prêt à balafrer quelque peu histoire de bien faire passer le message. Judy tira, deux fois, calmement. L’une des balles sectionna proprement la chaîne de sa montre qui pendouillait et alla se planter dans le mur en face. L’autre le toucha à l’épaule. Immédiatement, l’immense écossais voulut intervenir, mais la lame de Bélis fila, plus rapidement que lui, et lui ouvrit une longue plaie dans la joue. Il recula, portant la main à sa blessure, plus étonné qu’autre chose, et regarda le sang qui tachait ses doigts. Judy en profita pour attraper Ravel par la manche, et ils filèrent tous les trois. Les deux autres tentèrent bien de les poursuivre, mais ils n’eurent aucun mal à les semer parmi la foule du marché, bousculant les gens sans prendre le temps de s’excuser (compréhensible, quand on est poursuivi par un Ecossais fou de 2m20 et un médecin fou !)

Après avoir vérifié que la voie était libre (et avoir vu l’Ecossais Fou maltraiter un boucher qui avait eu l’audace de lui demander de remettre l’étal qu’il venait de bousculer en place), ils se faufilèrent jusqu’à la maison où vivait Ravel, et se dépêchèrent de s’enfermer. Le voleur se laissa tomber sur son lit avec un soupir de soulagement. Curieuse, Judy demanda :

-   Qu’est-ce qu’ils te voulaient, ces deux-là ?

-   Comme d’habitude. Rejoins notre bande parce que tu es sur notre territoire, sinon on te coupe les doigts, bla bla bla.

-   Encore ? Et pourquoi tu ne veux pas les rejoindre ?

-   Tu sais ce qu’ils font aux pauvres jeunes gens frêles et délicats comme moi dans des gangs pareils ?

-   Oui-oui, je sais. On n’aimerait pas qu’ils abîment ta fragile petite personne.

Le silence retomba, seulement troublé par le froissement métallique de la lame du couteau de Bélis, avec lequel elle jouait. Ravel finit par demander :

-   Qu’est-ce que vous me vouliez ?

-   Menthe nous a suggéré de venir te voir. Elle dit que tu sais tirer le tarot.

-   Oui… un petit peu… J’ai appris il y a deux-trois ans…

-   Tu pourrais nous aider ?

Ravel se leva et alla jusqu’à la commode. Il fouilla un instant dans un des tiroirs, et finit par en extirper un paquet de cartes. Il revint sur le lit, le battit un instant, et tira trois cartes.

-   Le Jugement. Renversé. Le Cavalier de bâtons. Renversé. Et le cinq d’épées.

Il examina les cartes pendant un long moment, puis tendit la première à Judy.

-   Qu’est-ce que tu vois dessus ?

-   Euh… un ange qui joue de la trompette ? Et des gens qui se… lèvent de leurs tombes ?

-   C’est le Jugement.

-   Nous allons être jugées ?

-   Non. Il y a un ange. Un ange à l’envers, puisque la carte est à l’envers. Qu’est-ce que tu en déduis ?

-   Je ne sais pas…

-   Moi je sais ! intervint Bélis. Un ange qui tombe !

-   Un ange déchu, plus précisément, expliqua Ravel. Il y a un ange déchu derrière tout ça.

-   Tu crois que c’est Sky ?

-   Je ne crois pas, objecta Judy. Il doit y avoir d’autres anges déchus dans Londres. Ca doit être rare, mais… je ne crois pas que ce soit Sky. Ca doit en être un autre. Il faut trouver cet autre.

Ravel les écouta sans rien dire. Puis il prit la seconde carte :

-   Le Cavalier de Bâtons.

-   Mais il est renversé… remarqua Bélis.

-   Je sais. Mais je dirais quand même que celui que vous cherchez a un homme de confiance. Quelqu’un qui croit en lui, et qui ferait n’importe quoi pour lui. Si vous trouvez cet homme, vous trouverez celui que vous cherchez. Le responsable.

-   Oh bien, bonne nouvelle. Et la dernière ? demanda Judy.

-   Le cinq d’épées… L’enquête sera compliquée, beaucoup plus compliquée que vous ne le pensez.

-   On l’attrapera ?

-   Je ne sais pas. Continuez vos efforts, c’est tout ce que je peux dire.

Il rangea les cartes, les battit un peu, et les remit dans leur étui. Judy lui montra également le papier de Deirdre, et lui demanda :

-   Est-ce que par hasard, ces chiffres te disent quelque chose ?

-   Eh bien… Dans le tarot… Il y a des cartes qui ont ces numéros. Le treize, c’est la Mort. Le 11, c’est la Force. Le 12, c’est le Pendu.

-   Et ça a un sens ?

-   Le changement. La force intérieure. Et le sacrifice. Environ.

-   Je vois…

Les cartes furent rangées, et les deux jeunes filles s’apprêtèrent à partir. Alors qu’elles sortaient, Judy demanda, comme si elle venait seulement d’y penser :

-   Au fait, qui t’a appris à tirer les cartes, comme ça ?

-   Un occultiste, un français. Je ne connais même pas son nom. Il m’a donné le jeu, et il m’a montré comment faire. Il m’a dit de suivre mon instinct, c’est tout. Et il a dit aussi, que c’était pas grave si on croyait en Dieu ou pas, que l’important, c’était que si quelqu’un voulait faire passer un message, il le ferait par n’importe quel moyen. Dont les cartes.

-   La Mort, la Force, le Pendu…

-   Vous devriez retourner voir le prêtre. Il y a un sens à tout ça. Il pourra vous aider.

 

Et ainsi, elles se retrouvèrent de nouveau à Saint Paul. Cette fois-ci, le père David était occupé à dire la messe, et elles durent attendre qu’il finisse. Il avait une belle voix, et il n’avait pas besoin de l’élever pour que les fidèles ne l’écoutent avec une grande attention. Et avec lui, nulle menace de damnation éternelle et d’obligation de bien se tenir sous peine de perdre son âme pour l’éternité, mais juste des paroles de réconfort et d’encouragement.

Elles le rejoignirent quand il eut fini, et il les salua comme s’il s’attendait à les revoir. Encore une fois, elles l’emmenèrent à l’écart pour discuter (un certain nombre de constables se trouvaient encore sur place pour surveiller les lieux et s’assurer que personne ne s’attardait), et Judy lui raconta ce que Ravel leur avait expliqué. Contrairement à ce à quoi elles s’attendaient, il ne bondit pas au plafond quand elles parlèrent du tarot, et il avoua qu’il était du même avis que le voleur ; entre autres, pour ceux qui ne priaient pas, Dieu devait bien trouver un moyen de communiquer avec eux, et les cartes étaient un bon moyen. Il les emmena dans l'une des chapelles, où étaient entreposés des tableaux. Trois tableaux. Le premier, celui de gauche, représentait un squelette vêtu d'un manteau à capuche, et tenant une faux dans sa main osseuse. De l'autre, il soutenait une femme apparemment inconsciente - ou morte? Le second tableau représentait une jeune fille, les yeux levés vers le ciel, en une attitude de supplication. Deux lions l’entouraient, certainement prêts à la dévorer. Quant au troisième tableau, il montrait un ange, les ailes enflammées, tombant droit vers la Terre, sur un fond de nuages rouges et de soleil couchant. Ils étaient peints avec une grande maîtrise, et montrait des couleurs éclatantes, malgré les sujets sombres qu’ils traitaient. David les désigna et annonça :

-   Ces trois tableaux sont la fierté de notre cathédrale, et de l’évêque lui-même. Ils sont d’un peintre obscur dont je ne connais même pas le nom, et ils sont magnifiques. Ils représentent la Mort sans pitié, Sainte Blandine, et la chute de Lucifer. Ils sont en notre possession et dans notre chapelle depuis une bonne centaine d’années. Accessoirement, ils symbolisent respectivement : la mort ou le changement, la force intérieure, et le sacrifice.

-   Ce sont les significations que Ravel nous a données !

-   En effet. Je pense que les chiffres sur ce billet, qui que ce soit qui les ait écrits, a utilisé un moyen très détourné pour donner rendez-vous à miss Colman dans cette chapelle, devant ces tableaux. Il faut trouver qui. Mais sur ce point, hélas, je ne crois pas être en mesure de vous aider… Il vous faudra trouver un informateur qui soit capable de trouver qui était là, et pourquoi. Mais je suppose que pour vous, cela ne doit pas poser problème, n’est-ce pas ?

 

-   Il en a de bonnes, ce prêtre ! Où est-ce qu’il veut que nous dénichions un informateur qui soit au courant de ce qui se passe à Saint-Paul ?

Judy n’en revenait pas : encore une piste qui finissait à l’eau ! Elle commençait à se dire que cette affaire allait la rendre dingue, et qu’elle ferait mieux de donner toutes ses informations à Postlethwaite pour qu’il en fasse ce qu’il en voulait, les envoyer par paquet spécial à son Altesse, en faire des avions en papier, ou peut-être même travailler dessus. Et tant pis pour les crimes, les enquêtes, les meurtres et tout le reste, à elle la petite vie tranquille et sans histoires !

C’est alors qu’une main s’abattit sur son épaule, la faisant sursauter. Elle allait plonger la main dans son sac et en sortir son arme, mais une voix qu’elle reconnut la prévint :

-   Pas de panique, détective. Le méchant démon n’est pas là pour emporter ton âme.

Elle se retourna d’un bond, et se retrouva face à Bélial, toujours en costume tiré à quatre épingles, et toujours aussi souriant. Il les salua de manière un peu plus civilisée, et, tout en marchant, leur révéla que Bhaal voulait les voir, pour leur transmettre des informations. Ce à quoi Judy répondit :

-   Et pourquoi vous voulez nous informer de quelque chose ? Apparemment, les humains ne sont pas trop votre tasse de thé… Et vous ne leur faites pas confiance.

-   Nous ne faisons pas confiance aux humains, parce qu’ils sont égoïstes, calculateurs, pas du tout sérieux, idiots, et qu’ils prennent les choses à la légère. Du moins, un grand nombre de vos policiers humains. Ils ne voient pas ce qu’ils ont sous le nez, et ils pensent toujours tout mieux savoir que ceux qui essayent de les aider.

-   On croirait le portrait du superintendant, ricana Bélis.

-   Mais c’est de lui que je parle ! Cet espèce de brute stupide et fière de lui… J’ai tenté de lui transmettre les mêmes informations qu’à vous, de lui montrer ce qui se passait, sans lui révéler exactement ce que nous faisons « dans l’ombre », toutefois. Lui donner un petit coup de pouce, quoi.

-   Et comment il a réagi ? demanda la semi-nymphe.

-   Oh. Très mal. Vraiment très mal. Il m’a pris pour une dingue, et il a menacé de me faire enfermer dans un asile si je ne décampais pas. J’ai essayé d’insister, mais il a appelé ses hommes à la rescousse, pour me jeter dehors.

-   Et alors ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

Les deux jeunes filles étaient maintenant curieuses de savoir comment cette histoire s’était finie.

-   Eh bien, en gros, je lui ai dit que ce n’était qu’un gros idiot abruti dans un costume à carreaux idiots, qu’il ne saurait pas où se trouvait l’assassin même si celui-ci lui bottait les… l’arrière-train, et… la suite n’est pas pour les oreilles des jeunes filles délicates. Vous m’accompagnez voir Bhaal ?

Judy accepta, et Bélis remarqua :

-   Je suis pas une jeune fille délicate, moi ! Et je veux savoir !

 

Elles se retrouvèrent une bonne demi-heure plus tard dans le même salon aux coussins roussis que la dernière fois. Bhaal était à nouveau confortablement installé dans son fauteuil, pelotes de laine à portée de main, avec une tasse de thé, et son ombre gentiment roulée en boule et ronronnant. Cette fois-ci, il était habillé de manière beaucoup plus correcte, avec une veste, une chemise, un gilet, et une jupe d’homme. Etrange costume, mais c’était toujours bien mieux que ses vêtements rapiécés de clochard. Judy et Bélis étaient assises sur le canapé en face de lui, chacune avec leur tasse. La détective avait bien un peu tiqué sur la jupe, mais elle était assez bien éduquée pour ne pas en faire la remarque. Bélis, elle, n’avait pas vraiment tiqué. Elle avait l’habitude des hommes en kilt, et une jupe d’homme, ça n’allait pas la choquer ! Quant à Bélial, elle flânait dans le salon et tripotait de temps en temps un bibelot, et n’avait pas l’air de s’occuper des autres. Bhaal s’informa d’abord des progrès de leur enquête, hocha la tête à l’explication des fameux chiffres de Deirdre et de la visite au père David, puis se lança dans une longue déclaration :

-   En me basant sur ce que vous avez dit, j’ai fait des recherches sur l’individu qui d’après votre ami déplace des corps. Vous m’aviez parlé d’un individu gracieux, peut-être un changeforme félin. J’ai donc recherché tous les changeformes félins qui auraient de près ou de loin à voir avec ces histoires de trafics de drogue, et qui auraient été repérés dans le secteur. J’en ai trouvé cinq.

-   Cinq ? interrompit Bélis. Je savais même pas qu’il y en avait autant dans tout Londres !

-   Il y en a bien plus que vous le pensez. Simplement, pour éviter d’être accusés de tous les maux et d’être chassés par certains idiots, ils se font passer pour des humains, pour pouvoir s’insérer dans la société. Mais là n’est pas le sujet. Nous parlions de ce changeforme que vous recherchiez.

-   Oui, en effet, admit Judy. Et vous avez trouvé quelque chose ? un indice ? une idée ? une piste, peut-être ?

-   J’ai votre changeforme, son nom, son secteur, et ses activités. Intéressée ?

-   Très intéressée. Qu’est-ce que vous voulez en échange ?

-   Si je voulais quelque chose, je l’aurais dit dès le départ. En l’occurrence, je souhaite également que cet individu arrête de nuire à tout un chacun. Qu’on le stoppe. Et son maître aussi.

-   Comment tu sais qu’il a un maître ? demanda Bélis.

-   Facile à deviner. Il est trop jeune pour entreprendre ce genre de choses, et je le crois absolument incapable de synthétiser n’importe quelle drogue. Il travaille pour quelqu’un à qui il est très fidèle, apparemment.

-   Qu’est-ce que vous savez sur lui ?

D’un même geste, Bélis et Judy dégainèrent leurs carnets de détectives.

-   Il s’appelle Ama. Il n’a pas de nom de famille. C’est un changeforme panthère, et il a une vingtaine d’années, je n’ai pas réussi à obtenir son âge exact. Il a des cheveux noirs, courts, la peau mate, des yeux dorés. Selon vos critères féminins, je suppose qu’il serait « plutôt mignon ». Assez petit, mince. Souvent, il se produit avec des artistes des rues. Il excelle en contorsions en tous genres. Un félin assez souple, si vous voulez. Sa zone d’action : Fleet Street et ses environs, ces derniers temps. Je ne serais pas étonné qu’il vous surveille, toutes les deux. Ou alors, il repère des endroits où déposer les corps. C’est certainement de cette mission dont il est chargé. J’ai trouvé au moins trois personnes qui peuvent affirmer avec certitude que c’est bel et bien lui qui dépose les cadavres qui ont été retrouvés. Il cache ses… attributs animaux sous ses vêtements de scène, ou bien un grand manteau et une casquette, mais à part les démons, on croise bien peu de gens avec les yeux jaune or, et c’est ce qui m’a permis de certifier qu’il s’agit bien de la même personne. Voilà tout ce que j’ai pu trouver.

Pendant un moment, le seul bruit dans la pièce fut un mélange de ronronnements venant de l’ombre et le bruit des crayons sur le papier, notant tout ce que Bhaal avait dit. Bélial revint vers les trois autres, et dit, comme si elle se parlait à elle-même :

-   On pourrait l’attraper, et le jeter en prison, mais ça ne ferait pas stopper les meurtres. Donc on ne peut pas prévenir le Yard. Ils se jetteraient sur ce coupable, et le vrai coupable, celui qui prépare la drogue, nous échapperait encore. Il faudrait le suivre, sans qu’il s’en rende compte, bien sûr, pour savoir où se trouve leur cachette, et où ils fabriquent cette horreur. On pourrait alors les arrêter et détruire toute leur réserve de drogue.

-   Vous allez le suivre ?

-   Pas nous. Son maître doit être quelqu’un de puisant, et possédant de solides compétences en magie. Nous sommes des démons, il nous repérerait immédiatement. Il nous faut l’aide d’humains suffisamment intelligents pour ne pas penser que nous ne sommes que des demeurés bons à être internés. En fait, il nous faut votre aide.

-   Vous voudriez donc que nous nous chargions de la filature de cet Ama, pour trouver la cachette de son maître ?

-   Et que vous nous préveniez ensuite. Personne ne vous demande d’aller l’affronter, surtout que, sans vouloir vous offenser, il vous réduirait en chair à pâtée.

-   Pas d’offense, assura Judy.

-   Contentez-vous de le trouver et de nous prévenir.

Elles hochèrent la tête en chœur une fois de plus. Mais Bélis demanda :

-   Dites… si vous n’pouvez pas approcher ce gars, parce qu’il va sentir votre aura, ou un truc du genre, qu’est-ce qui vous empêche de tenter de le trouver grâce à la sienne ? Je veux dire, il doit en avoir une importante, lui aussi. Alors dès que vous tomberez dessus, c’est qu’il ne sera pas loin !

Bhaal haussa les épaules comme toute réponse, et Bélial expliqua pour lui :

-   Nous y avons bien pensé, mais ce n’est pas faisable. D’abord, pour repérer une aura particulière, il faut la connaître. Or nous ne connaissons pas les auras de tous les habitants de Londres. Encore heureux ! Et puis, tout ce qu’on sait, c’est qu’il s’agit d’une personne qui a un fort potentiel magique. Logiquement, oui, son aura devrait être comparable, et donc être immense. Cependant, beaucoup de… créatures magiques ont appris à diminuer leur aura de manière significative, pour éviter d’être repérées. C’est une manière habile de nous échapper.

-   Et pourquoi vous le faites pas, vous ?

-   Tout bêtement parce que c’est très difficile pour un démon. Elles sont très importantes, et nos pouvoirs sont plutôt basés sur l’attaque, ce genre de choses. Pas sur la dissimulation.

-   Oh… je vois

-   Donc, si nous approchons du repaire de cet individu, il nous sentira bien avant que nous le sentions, avec nos immenses auras, et il filera avec tout son attirail avant que nous n’ayons seulement isolé un pâté de maisons. C’est pour ça qu’il nous faut des humains.

-   Mais… je suis pas humaine, moi, objecta Bélis.

-   Vous êtes une semi-nymphe. On vous prendra pour une simple demoiselle voulant acheter un peu de drogue. Personne ne vous soupçonnera.

-   J’ose espérer que vous dites vrai…

Ils discutèrent encore un moment pour mettre au point leur filature et résolurent que le plus tôt étant le mieux, il valait mieux s’y mettre le plus tôt possible, c’est-à-dire le soir même. Ils convinrent donc d’un rendez-vous, et Bhaal les jeta dehors immédiatement après. Judy demanda à Bélial pourquoi il se conduisait ainsi, il leur expliqua que la maison appartenait en fait à l’un de leurs agents, qui occupait une place de juge, et que le démon voulait pouvoir tricoter tranquillement avant que l’autre ne rentre. Il les ramena ensuite chez elles, pour qu’elles puissent se préparer à la tâche qui les attendait.