Sweet Dreams

Chapitre 26

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 Il ne resta plus que le prêtre, qui apparemment était plus coriace que les autres, et qui savait visiblement se servir de sa lame hors-normes. Malheureusement pour lui, il se retrouva opposé à Fredericke, qui avait l’air bien décidée à montrer que l’épée qu’elle portait au côté n’était pas seulement là pour la décoration. Elle maniait l’arme d’une taille impressionnante comme si ce n’était qu’un banal petit poignard, d’une seule main, l’autre sur la hanche. A la voir, on avait plutôt l’impression qu’elle était en pleine promenade. Elle n’avait aucune difficulté à parer les coups du prêtre. Malgré le fait qu’il avait une bonne technique et qu’il gardait la tête froide. Il tenta plusieurs attaques audacieuses, mais Fredericke les évita comme si de rien n’était, et elle finit par le désarmer d’un moulinet particulièrement puissant qui lui entailla sérieusement la main. Bélial s’occupa de l’attacher comme les autres, malgré ses malédictions, se contentant de remarquer que maudire un démon n’allait pas l’amener bien loin.

Une fois tout ce joli monde ficelé, Michael et Raphaëlle remirent les prisonniers sur leurs pieds et entreprirent de les pousser dans la direction d’où ils venaient, suivis par Bhaal et Fredericke. Bélial fit signe à Judy, Bélis et Menthe de leur emboîter le pas. Judy avait bien remarqué que l’ambiance était plutôt glaciale, et que le démon les regardait sans son habituel sourire légèrement amusé. En fait, il avait l’air en colère. Bon, après tout… C’était un peu logique, maintenant qu’elle avait quelques secondes sans errance dans le noir et sans menace de torture par un prêtre siphonné pour y penser. Après tout, elles étaient quand même allées se jeter dans la gueule du loup… Ce n’était pas vraiment malin de leur part, en y réfléchissant. Et ça avait failli tourner mal pour elles…

Ils finirent par sortir à l’air libre, pas très loin de Crystal Palace, en fait, et le groupe se sépara. Raphaëlle et Michael, qui avaient de meilleures relations avec la police, embarquèrent tout le groupe de prisonniers vers le commissariat le plus proche. Bélial renvoya les détectives à leur cachette, en leur promettant une rencontre demain avec tous les autres démons. Il ne leur cacha pas que la réunion serait très agitée le lendemain. La menace était assez claire dans sa voix et fit frissonner Judy. Elles n’étaient pas vraiment sorties d’affaire…

 

Et ils se retrouvèrent tous les quatre, Judy, Menthe, Bélis et Ravel, consignés dans l’appartement qui leur avait été assigné, à attendre un châtiment dont on leur avait dit qu’il arriverait probablement dans la journée. Après tout, elles s’étaient toutes les trois mises en danger, et elles avaient risqué beaucoup, et obligé les démons à venir les sauver. Et donc, maintenant, elles attendaient. Un coup à la porte les fit bondir sur leurs pieds, et Bélial entra dans la pièce. Et contrairement à ses vêtements habituels, elle était habillée en femme. Une belle robe en tissu brun, chaud, qui s’accordait parfaitement avec ses cheveux roux, et qui faisait penser à l’automne. Le démon entra, sous les yeux exorbités des quatre autres, ôta son chapeau et le posa, et vint s’asseoir sur le canapé, avec beaucoup de naturel, puis se tourna vers Ravel et déclara :

-                     Je te félicite de nous avoir prévenus. C’est bien de voir que quelqu’un au moins a un minimum la tête sur les épaules.

Trois têtes se tournèrent vers le voleur, qui tenta de se faire plus petit, et balbutia :

-                     J’ai… après que vous soyez parties, j’ai tiré les cartes… et elles m’ont conseillé d’aller prévenir quelqu’un… alors je suis allé chercher Bélial…

-                     C’est exact. Il nous a amené le message que vous avez reçu, et il nous a expliqué dans quel piège vous vous êtes jetées. Vous devriez le remercier. Sans lui, vous seriez aux mains de Cassiel, et dans un bien mauvais pétrin.

Ravel vira au rouge vif, et fixa ses mains posées sur ses genoux. Judy la première reprit ses esprits, et, se tournant vers Bélial :

-          Mais je ne savais pas que vous… tu…

-          Que j’étais une femme ?

-          En effet, non.

-          Il est plus facile d’assumer que je suis un homme, n’est-ce pas ?

Judy allait s’offusquer, assurer que non, ce n’était pas parce qu’elle pensait que seuls les hommes pouvaient avoir du pouvoir et ce genre de choses, mais elle remarqua son sourire. D’ailleurs, celle-ci précisa :

-                     Vous n’avez pas tout à fait tort. Mes tenues habituelles sont plus appropriées pour un homme, et c’est tout à fait justifié. Notre société ne fait pas assez confiance aux femmes, vous en avez certainement été témoins, et dans beaucoup de situations, il est beaucoup plus facile de se faire passer pour un homme et de faire ce qui doit être fait, que de s’habiller en femme et d’argumenter pendant des heures pour tenter de faire valoir que les femmes sont aussi capables de faire certaines choses. Enfin bref, je suis une femme. Un démon femelle, mais on peut dire « démone ». Je m’habille en homme ou en femme, selon les jours. Et mon nom est bel et bien Bélial, sans e à la fin. Ce qui n’enlève rien au fait que je suis venue vous transmettre le message de mes collègues, et que je ne vais pas faire preuve de délicatesse féminine envers vous. Asseyez-vous, toutes les trois.

Judy, Bélis et Menthe suivirent son geste et s’assirent toutes les trois sur le canapé, en face de Bélial. Le sourire avait disparu, et pour tout dire, elle avait  l’air un peu effrayante. Elle alluma une cigarette, en prit quelques bouffées. Bélis se hasarda à demander :

-                     Alors, qu’est-ce qu’ils ont dit ? Ils étaient vraiment en colère ?

-                     Très en colère, en effet. Vous n’avez vraiment pas fait preuve d’intelligence sur ce point-là. On vous a dit qu’il fallait vous rendre dans un endroit éloigné, sans prévenir personne, et vous vous y êtes jetées la tête la première. Vous avez de la chance que Ravel a eu un minimum de plomb dans la cervelle et qu’il soit venu nous prévenir. Et qu’il ait réfléchi suffisamment rapidement pour que nous ayons le temps de venir. Sinon, le prêtre fou vous aurait découpées comme des dindes. Bref. Vous avez mis en danger toute l’équipe d’investigation, malgré le fait que nous ne vous avons pas donné grand-chose à faire, je le sais, Bélis. Vous nous avez obligés à venir à votre secours, en prenant sur le peu de temps que nous avons pour chercher Cassiel, et en prenant le risque de nous faire repérer, voire révéler au monde. Les gens ne savent pas que les anges et les démons œuvrent dans l’ombre, et c’est très bien comme ça. Devoir voler au secours des gens, ça risque de mettre notre couverture en danger. Donc c’était vraiment très écervelé de votre part. Je ne suis pas contente. Les autres ne sont pas contents.

-                     Pas contents comment ? demanda Judy. Qu’est-ce qu’ils ont dit ?

-                     A vrai dire, les avis varient. Bhaal a dit qu’il avait plus important à se préoccuper que des détectives lâchées dans la nature. A vrai dire, il n’en a rien à faire. Fredericke s’est demandé comment vous faites pour être intelligentes et faire des choses aussi stupides. Vous avez fatigué Raphaëlle, mais elle n’a rien dit d’autre. Michael était assez agacé, pour les raisons énoncées ci-dessus, et il a dit que si vous recommenciez une seule fois quelque chose d’aussi stupide, il allait venir vous parler lui-même, et ça, c’est plutôt effrayant. Je serai vous, je ferais très très attention. Quant à Uriel, elle ne veut rien savoir, elle s’en fiche, et elle pense que nous devrions nous débarrasser de vous. Par contre, Shaïtan, lui, est de votre côté, il pense que ça partait d’un bon sentiment et que vous vouliez nous aider.

-                     Et vous, hein ?

-                     Moi ? Je suis un brin agacée que vous ayez agi avec autant de légèreté et sans réfléchir, et je me suis demandé si je ne vous avais pas accordé trop de crédit. Mais comme Shaïtan, je pense que c’était une erreur compréhensible, et que ça aurait pu plus mal tourner.

-                     Donc… dans l’ensemble, vous êtes plutôt convaincus que nous ne servons pas à grand-chose ? résuma Judy.

-                     Disons que c’est un avis qui flotte aux alentours. Votre petite escapade, je vous l’ai dit, nous a mis en danger, et n’a rien rapporté.

-                     Comment ça, rien rapporté ? Et la carte ?

-                     Pas de carte. Nous avons livré l’Alligator à Scotland Yard, et il a été jeté en prison. Mais il n’avait pas la carte sur lui, et il refuse toute collaboration avec nous. Pas de carte, et pas d’informations.

-                     Oui, donc en effet, ça n’a pas servi à grand-chose…

-                     Et qu’est-ce que vous allez faire de nous, alors ? demanda Bélis.

-                     Eh bien… Michael était plutôt de l’avis que nous devrions vous garder ici sous clé et ne pas vous en laisser sortir jusqu’à la fin de l’enquête. Uriel, je vous l’ai dit, n’en a rien à faire et ne veut rien avoir à en faire, tout comme Bhaal. Et Shaïtan, Fredericke et moi-même pensons que nous pouvons toujours vous garder dans l’équipe, mais seulement en vous surveillant de près. Finalement, Lucifer a tranché. Il vous a trouvé extrêmement stupides pour être tombées dans le piège de l’Alligator, mais il pense que vous pouvez encore nous servir, et que vous pouvez toujours participer à l’enquête. Sous notre surveillance, bien sûr. Et si jamais vous sortez encore une fois du droit chemin, lui aussi aura une petite discussion avec vous. Et croyez-moi, ça ne sera pas une promenade. En fait, s’ils ont cette « petite discussion » avec vous, je pense que vous irez vous retirer dans la montagne pour ne plus jamais avoir aucun contact avec qui que ce soit. Je vous conseille donc de vous tenir à carreau et de suivre uniquement les consignes qu’on vous donnera. Ca peut vous paraître un brin radical, voire même vexant, mais ça vaut mieux qu’affronter Lucifer et Michael dans le même temps.

Les quatre détectives hochèrent la tête avec un bel ensemble. Bélial éteignit sa cigarette, se leva, et annonça :

-                     Il faudra trouver un moyen de récupérer les informations de l’Alligator, puisque la carte a l’air d’être partie dans les égouts. Nous tenterons de discuter avec lui, mais je ne peux rien promettre. Je vous tiendrai au courant de ce qui se passe. En attendant, restez ici, n’allez pas visiter des sculptures avec des passages secrets, et méfiez-vous des prêtres fous.

Elle remit son chapeau, les salua, et quitta l’appartement, laissant derrière elle quatre personnes un brin sous le choc, particulièrement Judy, qui se demandait comment prendre en compte le fait que Bélial était une femme. Ca risquait de modifier un certain nombre de choses…